Maj's Recipes - SIGALON VALLEY

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2008-03-31


Absolut tombe dans l'escarcelle de Pernod

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Le mariage parfait!






La marque Absolut domine le marché américain des spiritueux de luxe.
La marque Absolut domine le marché américain des spiritueux de luxe.


"C'est l'attente qui a été la plus pénible", raconte Jan Lundin, le délégué syndical d'Absolut. Lui, la privatisation, il était contre. Mais il serait faux de dire que les salariés d'Absolut étaient spécialement inquiets. Cette fois, c'est fait : lundi 31 mars, la cession par l'Etat suédois de la quatrième marque d'alcool la plus commercialisée au monde, vendue à Pernod-Ricard pour 5,6 milliards d'euros, a été annoncée officiellement.

"L'Etat a été un bon propriétaire pour Absolut. Il nous a laissés travailler." Per Oxelgren, responsable de la production d'Absolut vodka, répète souvent cette phrase en faisant visiter les différents sites de production situés à Ahus et dans les alentours, dans le sud-est de la Suède. Dans cette charmante bourgade de 10 000 habitants, on est moins tendre. "Le gouvernement suédois est stupide, tranche Per-Anders Jünsson, un chauffeur de taxi. Comment peut-on être assez bête pour vendre une entreprise qui marche aussi bien et qui rembourse une bonne part de notre dette ?" Le patron de Pernod-Ricard est venu à Ahus et a assuré les gens qu'il ne déménagerait jamais l'appareil de production d'Absolut, principal employeur local. "Il faudrait être idiot pour le faire, note Jan Lundin. Tout le concept de la marque repose sur la production locale, du blé à l'eau en passant par les bouteilles, et nous avons l'une des chaînes de production les plus modernes au monde."

Per Oxelgren, l'un des pères des derniers investissements qui se montent en dizaines de millions d'euros, est particulièrement fier de la distillerie de Nöbbelöv, non loin d'Ahus. Tous les jours, quinze camions viennent y déverser leur cargaison. Près de 20 % du blé de Scanie, la région septentrionale de Suède, est nécessaire pour produire Absolut. Un blé certifié, que les paysans vendent plus cher.

Après trois à quatre jours de fermentation et de distillerie, l'alcool à 96 degrés part en camions-citernes vers les deux sites où la vodka est préparée et mise en bouteille. "Il faut 19 minutes de transport entre ici et Ahus sur un parcours très sécurisé, note Per Oxelgren. Il y a 40 000 litres d'alcool à 96 degrés par citerne, de quoi produire 100 000 litres de vodka. Cela représente beaucoup d'argent. Si le trajet dure une minute de plus, le gardien appelle tout de suite. Si le camion quitte la route prévue, contrôlée par GPS, l'alerte est donnée immédiatement."

En décembre 2007 a été inaugurée la toute dernière nouveauté : une ligne d'embouteillage ultramoderne capable de produire 15 000 bouteilles à l'heure. Sur la zone de ce que l'on appelle le "Satellite", la surface est suffisante pour accueillir trois autres lignes identiques, qui viennent compléter les quatre lignes existantes sur le site historique d'Ahus, au beau milieu de la ville. Tout est prêt pour faire face à une demande qui ne cesse de croître. En 2007, la croissance a été de 9 %. En novembre dernier, le cap des dix millions de caisses de 9 litres produites dans l'année a été franchi.

UNE SAGA LOUFOQUE

Un Suédois, qui effectuait en 1984 son service militaire dans le sud du royaume, se rappelle qu'un jour, dans le cadre d'une manœuvre, il reçut pour mission, avec quelques autres appelés, de protéger les entrepôts du port de Ahus. A la plus grande stupéfaction des bidasses, les entrepôts n'étaient remplis que de caisses de bouteilles de vodka. Ce n'était pourtant que les débuts de la saga Absolut, dont la production se mélangeait alors avec celle d'autres alcools.

C'était aussi l'époque où, le long des côtes suédoises, la marine tentait de débusquer les sous-marins soviétiques. Ces derniers se souciaient sans doute peu des stocks d'Absolut, même s'ils auraient eu une bonne raison de les torpiller. En 1979, année de l'invasion de l'Afghanistan par les chars soviétiques et du lancement de la vodka, les Suédois travailleront avec des ébauches de slogans du style : "La Russie fait de meilleurs tanks." Près de trente ans plus tard, il faudrait un bataillon pour défendre l'accès des entrepôts du port de Ahus, tant les affaires d'Absolut ont fleuri. C'est ce joyau dont le gouvernement suédois s'est débarrassé. Car Absolut est un alcool fabriqué par de fidèles ouvriers travaillant pour le compte exclusif de l'Etat suédois.

Son histoire est assez loufoque puisque depuis un siècle, la Suède est traversée par de fortes tendances prohibitionnistes. Très tôt, les fondateurs de l'Etat-providence avaient perçu que l'ennemi semblait être moins le capitalisme que la bouteille qui détournait l'ouvrier du rêve socialiste.

Aujourd'hui encore, résistant au nom de la santé publique aux coups de boutoirs des adeptes de la libre circulation des biens au sein de l'Union européenne, le royaume fait toujours régner un strict monopole de la vente d'alcool au détail dans des magasins d'Etat aux prix dissuasifs. Une situation n'empêchant pas nombre de Suédois d'être adeptes des saouleries le week-end.

En 1975, Lars Lindmark, qui arrive à la tête de Vin & Sprit, décide d'en faire une entreprise moderne avec une idée choc : puisque, au nom des principes de santé publique, on ne peut pas vendre plus d'alcool en Suède, pourquoi ne pas en vendre à l'étranger ? "Allons- nous exporter le péché ?", s'indignera le vice-président du Parlement.


PRAGMATISME

Tempérants par morale, commerçants par nécessité, pragmatiques par nature, les Suédois n'hésitèrent pas longtemps. Absolut fut créé pour l'export, lancé un peu grâce aux Soviétiques en Afghanistan et beaucoup par Andy Warhol, qui la parraina dans les folles nuits new-yorkaises, marquant aussi le début d'une coopération insolite entre une bouteille qui ressemblait à un flacon médicinal et des centaines d'artistes à travers le monde.

Mais c'est l'adhésion de la Suède à l'Union européenne, en 1995, qui marque un tournant décisif pour Vin & Sprit. La compagnie publique perd son monopole sur l'importation, la production et la vente d'alcool. "Soit nous ne faisions rien et nous disparaissions, soit nous étions offensifs et, dès lors, avoir Absolut était un avantage décisif", note Jacob Broberg, vice-président de Vin & Sprit.

Dès 1994, les Suédois étaient passés à la vitesse supérieure lorsque le canadien Seagram et Absolut décidèrent de travailler ensemble pour la commercialisation de la vodka en Amérique. Le succès est total. Aujourd'hui, les Etats-Unis représentent près de la moitié du marché d'Absolut, pourtant distribuée dans 125 autres pays. En dix ans, pour l'ensemble du groupe Vin & Sprit, les volumes ont été multipliés par deux, les ventes par trois et les profits par dix


Olivier Truc